La croisade aveugle de l’Europe face au dragon chinois
Dans l’aube grise d’un hiver européen, un silence pesant régnait sur Bruxelles. Ce n’était pas le calme de la sérénité, mais celui d’une tension sourde, de ces moments où la peur fait trembler l’échine des diplomates.
L’Europe, autrefois fière et maîtresse d’elle-même, vacillait à l’ombre de deux géants : les États-Unis d’un côté, la Chine de l’autre.
Lorsque Ursula von der Leyen avait brandi le glaive d’une politique « dure » contre Pékin, il y avait quelque chose de noble dans ce geste.
Une sorte de Don Quichotte moderne, pourfendant le moulin des interdépendances économiques et des chaînes d’approvisionnement. Mais, à mesure que les mois passaient, sa croisade commençait à ressembler à une impasse tragique, confie volontiers Sebastian Contin Trillo-Figueroa pour Asia Times.
Un héritage brisé par Trump
Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche n’avait rien d’une surprise pour les Européens. Pendant des années, ils avaient murmuré dans les couloirs feutrés des chancelleries : « Et si ? » Mais ce « si » avait été balayé par une insouciance collective, un refus d’accepter l’évidence.
Lorsque Trump reprit ses quartiers à Washington, les premiers signaux furent clairs. L’Europe n’était pas au centre de ses préoccupations.
Ses alliés d’hier devinrent des satellites gênants. Giorgia Meloni et Viktor Orbán, ces figures controversées du Vieux Continent, furent reçus comme des frères d’armes.
Quant aux grands d’Europe, l’Allemagne et la France, ils restèrent à la porte, spectateurs d’une nouvelle ère où l’unité européenne devenait un mirage.
L’Europe face à ses contradictions
En apparence, l’Union européenne tenait un discours ferme. La Chine était dénoncée avec force : ses pratiques commerciales, son autoritarisme, son expansionnisme.
Von der Leyen, forte de son rôle de présidente de la Commission, multipliait les déclarations, les enquêtes, les restrictions. Mais dans le silence des usines, les rouages du commerce tournaient autrement.
Les chiffres ne mentent pas. Les produits chinois, ces machines, ces équipements télécoms, continuaient d’inonder les marchés européens. Le lien entre les deux continents était devenu un filin d’acier : solide, indissociable. Et pourtant, à Bruxelles, certains rêvaient encore de découpler l’Europe de cette dépendance. Une idée qui relevait davantage du fantasme que de la stratégie.
Le piège de l’isolement
Pendant ce temps, Trump, en maître négociateur, se rapprochait de Pékin. Entre eux, le dialogue était brutal mais direct. Xi Jinping, avec son sourire impassible, voyait l’occasion de faire pencher la balance en sa faveur. Et l’Europe ? Elle restait là, figée dans une posture hostile, incapable de jouer les médiateurs ou même de préserver ses propres intérêts.
Le piège se refermait
Chaque jour, les initiatives européennes s’enchaînaient : des règles plus strictes, des sanctions, des projets d’autonomie stratégique. Mais elles n’avaient ni la force d’un élan collectif, ni la cohérence d’une vision à long terme. À force de vouloir tenir tête à la Chine, l’Europe risquait de perdre son rôle sur l’échiquier mondial.
L’heure de l’introspection
Il faudrait un choc, un éveil brutal, pour que Bruxelles comprenne l’ampleur de son erreur. Peut-être alors, les leaders européens retrouveraient-ils cette audace qui jadis fit leur grandeur. L’audace de négocier, de se placer non comme adversaires de Pékin ou vassaux de Washington, mais comme un pilier indépendant.
C’est là que réside l’avenir de l’Europe. Non pas dans une guerre froide économique, mais dans l’équilibre délicat d’une diplomatie pragmatique. L’heure est venue de penser à « l’Europe d’abord », non pas comme un slogan populiste, mais comme une nécessité vitale.
Dans l’obscurité des nuits bruxelloises, il y a encore des voix qui murmurent cet espoir. Peut-être qu’un jour, ces murmures deviendront une clameur, et que l’Europe reprendra sa place sous le soleil.
Par Olivier d’Auzon