Sous le soleil du Sahel, Pékin avance ses pions
Dans les vastes étendues arides du Sahel, là où les dunes de sable se confondent avec l’horizon et où la poussière raconte des siècles de luttes et de résilience, une nouvelle force émerge.
Ce n’est ni le rugissement des convois français ni la main tendue d’un Occident souvent défaillant, mais une présence plus discrète, plus calculatrice : la Chine.
Depuis des années, le Sahel, fissuré par des conflits et abandonné par ses alliés traditionnels, cherche un sauveur. Le retrait progressif des forces françaises, jadis omniprésentes sous la bannière de l’opération Barkhane, a laissé un vide béant, un espace que Pékin s’empresse de combler.
Wang Yi, ministre chinois des Affaires étrangères, ne s’est pas contenté de promesses. Sous son regard impassible, il a énoncé des chiffres qui résonnent comme des tambours de guerre dans une région en quête de stabilité : 6 000 soldats, 1 000 policiers, et 136 millions de dollars en aide militaire.
Mais derrière cette annonce soigneusement orchestrée, une réalité complexe se dessine. Le Sahel est un terrain miné, tant au sens propre qu’au figuré. Des groupes armés tels qu’AQMI et l’État islamique y mènent une guerre sans fin, plongeant les habitants dans une misère que le monde observe de loin.
Dans cette guerre silencieuse pour l’influence, la Chine avance ses pions avec une précision chirurgicale. Oluwole Ojewale, analyste nigérian, l’a bien compris. Il raconte comment son pays, le Nigeria, s’est tourné vers Pékin, contraint par des sanctions et des refus américains de fournir les armes nécessaires. « Lorsque les partenaires traditionnels vous tournent le dos, vous devez explorer d’autres avenues », murmure-t-il, presque fataliste.
Les dirigeants militaires des nations sahéliennes, eux, ne dissimulent pas leur satisfaction. À Pékin, sous les ors du FOCAC, ils ont été accueillis comme des rois.
Des visites dans les usines d’armement, des poignées de main devant des chars dernier cri : tout y est, comme dans une danse soigneusement chorégraphiée. Les généraux sahéliens repartent avec des promesses d’armes et de soutien, tandis que la Chine s’enracine un peu plus dans le sol africain.
Mais cette présence chinoise n’est pas exempte de critiques. Dans les couloirs feutrés du pouvoir à Washington, Marco Rubio, sénateur américain, s’est levé pour mettre en garde ses pairs. « Si nous ne changeons pas de cap, avertit-il, un jour nous serons dépendants de la Chine, pour notre sécurité, notre économie, tout. » Ses mots résonnent comme un avertissement, mais peut-être est-il déjà trop tard.
Le Sahel, autrefois théâtre d’une lutte d’influences franco-africaine, est devenu un échiquier mondial. Paul Nantulya, spécialiste des stratégies chinoises, observe avec lucidité les manœuvres de Pékin : « La Chine, dit-il, ne s’avance jamais sans calcul. Elle fournit des équipements, entraîne des soldats, mais elle y gagne bien plus. »
Et elle gagne, en effet.
Dans ces alliances forgées au milieu des tempêtes sahariennes, Pékin sécurise bien plus que des accords militaires. Elle s’assure une place stratégique dans l’exploitation des ressources naturelles et dans le façonnement de l’avenir d’une région où la désespérance côtoie l’espoir.
Mais cet espoir est fragile. Car, derrière les uniformes rutilants et les discours prometteurs, subsiste la question essentielle : la Chine vient-elle pour stabiliser ou pour conquérir ? Les régimes sahéliens, souvent instables, oscillent entre gratitude et méfiance, tandis que leurs populations, fatiguées par les promesses non tenues, attendent des actes.
Sous le soleil impitoyable du Sahel, les alliances se forgent et se brisent aussi vite que les tempêtes de sable balaient les villages. La Chine, avec sa patience millénaire, avance. Mais dans ce désert, rien n’est jamais certain. La route qu’elle trace est bordée de dangers, de trahisons potentielles, et d’un avenir qui pourrait la surprendre.
Ainsi, le Sahel devient le théâtre d’un nouveau chapitre, une fresque où se mêlent ambitions, désillusions et luttes pour le pouvoir. Une fresque digne d’un roman d’aventure, où chaque coup porté change la face du monde
Olivier d’Auzon