La France tourne la page de Bongo mais pas celle du Gabon
C’est le 4 septembre 2023, en qualité de président d’une « transition » que le général Brice Oligui Nguema, qui a renversé Ali Bongo Ondimba il y a cinq jours au Gabon, a prêté serment.
Et si le général n’a pas fixé la durée de cette transition, il a réitéré à maintes reprises la promesse de « rendre le pouvoir aux civils » par des « élections crédibles ».
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« Je jure devant Dieu et le peuple gabonais de préserver en toute fidélité le régime républicain » et « de préserver les acquis de la démocratie », a promis au Palais du bord de mer, devant des juges de la Cour constitutionnelle, le général de brigade en costume d’apparat rouge de la Garde républicaine (GR), l’unité d’élite de l’armée qu’il commandait.
Dans ce contexte, l’heure n’était pas à la chasse aux sorcières, étant entendu que d’anciens Ministre du Président renversé Ali Bongo ainsi que l’opposition ont été invités à l’investiture. Brice Oligui Nguema les a du reste exhorté à participer à l’élaboration d’une future Constitution qui sera « adoptée par référendum » et de nouveaux codes électoral et pénal « plus démocratiques et respectueux des droits humains ». Il s’est aussi « engagé » à « remettre le pouvoir aux civils en organisant des élections libres, transparentes et crédibles ».
Et il y a plus, a-t-il annoncé la formation « dans quelques jours » d’un gouvernement de transition composé de personnes « expérimentées » et « aguerries », à qui il demande la libération des « prisonniers d’opinion » et le retour des « exilés politiques ».
Pour mémoire, un mois après celui du Niger, des militaires issus de la garde prétorienne du Président Ali Bongo Ondimba (ABO) ont destitué, sans coup férir, le 29 août 2023, le président gabonais dont ils devaient pourtant assurer la sécurité, alors qu’il briguait son troisième septennat.
Ce dernier mandat réduit de 7 à 5 ans, aux élections du 27 août 2023 qui regroupaient trois scrutins, présidentiel, législatifs et municipaux.
Les putschistes ont annoncé le coup d’État à la télévision Gabon24, juste après la proclamation, mercredi, de la victoire d’Ali Bongo Ondimba à la présidentielle, avec 64,27 % des voix, contre 30,77 % pour son principal rival, Albert Ondo Ossa, qui dénonçait des fraudes massives.
Pour l’heure, force est de constater qu’il n’y a pas d’inquiétude quant à la détérioration des relations entre Libreville et Paris, comment le quotidien l’Opinion. Comparaison n’est pas raison, mais la posture de la France quant au Putsch au Niger ne serait être copiée. En clair, pour le Gabon, à l’instar du Niger, la France ne saurait préconiser, et s’arc-bouter sur le retour à l’ordre constitutionnel.
Dans le même temps, relèvera que Pékin a été, un des premiers à commenter le Putsch, il avait ainsi appelé à "garantir la sécurité d'Ali Bongo", Moscou avait fait part de sa "profonde préoccupation" et Washington avait exhorté l'armée gabonaise à "préserver le régime civil". Paris, avait "condamné le coup d'État militaire" à l’instar de Berlin qui avait évoqué "des critiques légitimes sur la transparence" des élections. Londres avait fait de même tout en reconnaissant "des inquiétudes soulevées par le récent processus électoral".
S’agissant de géopolitique, on indiquera que les Afriques se sont bel et bien mondialisées.
A ce titre, Pékin est devenu à partir des années 2000, le premier partenaire commercial de Libreville. Étant entendu que la Chine exploite tout particulièrement le bois et dans une moindre mesure le pétrole. Sans oublier qu’en 2009, quand Ali Bongo a pris la succession de son père Omar Bongo qui dirigeait le pays depuis plus de 41 ans, ses principaux soutiens étaient le Roi du Maroc, les Saoudiens , en passant par l’intégration du Gabon au sein du Commonwealth, même si le pays est francophone, souligne le quotidien l’Opinion.
Mais qu’on se le dise, à l’aune d’Eranet (le Gabon est le premier producteur de manganèse du monde, c’est la compagnie française Eramet qui l’exploite) ou TotalEnergies et des 83 entreprises françaises qui totalisent un chiffre d’affaires cumulé de près de 3 milliards d'euros, Paris, demeure malgré tout un partenaire privilégié de Paris.
Dans ce contexte, Paris a joué le profile bas afin d’affirmer qu’elle s’oppose au Putsch. Il va s’en dire, qu’ici à Libreville, est bien loin du sentiment anti-Français qui infuse à Niamey et à Bamako, tout comme dans l’ensemble du Sahel.
Du reste, il y a lieu de souligner que le Président de transition nouvellement investit n’a pas demandé le départ des 350 soldats français du 6e bataillon d’infanterie de marine (BIMA) du Gabon.
On l’aura compris, la France tourne la page des Bongo (Père et fils), mais pas celle du Gabon.