Jusqu’où ira le M23 ?
La République démocratique du Congo (RDC) est en proie à une nouvelle escalade de violences, marquée par la prise quasi totale de Goma par les rebelles du M23.
Alors que Kinshasa accuse Kigali de soutenir cette offensive, la communauté internationale peine à contenir la crise.
Une offensive éclair du M23 sur Goma
Depuis plusieurs semaines, les rebelles du M23, soutenus militairement par le Rwanda selon Kinshasa, progressent à un rythme effréné dans l’est du pays. Dimanche 28 janvier, ils sont entrés dans Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, après avoir contourné les dernières lignes de défense de l’armée congolaise. En l’espace de quelques jours, ils ont pris le contrôle de l’aéroport et occupent désormais la majorité des quartiers stratégiques.
Face à cette avancée rapide, les forces armées congolaises (FARDC) ont été débordées. De nombreux soldats ont pris la fuite, certains abandonnant leur uniforme pour éviter la capture. « Le M23 dispose d’une supériorité technologique et militaire, renforcée par le soutien de l’armée rwandaise, tant en matière d’équipements que d’entraînement », explique Thierry Vircoulon, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri). Selon plusieurs sources, Kigali aurait déployé jusqu’à 4 000 soldats aux côtés des rebelles.
Cette prise de Goma marque un tournant dans la crise sécuritaire congolaise. La ville, qui compte plus d’un million d’habitants, est un carrefour économique essentiel reliant la RDC au Rwanda et à l’Ouganda. Sa chute laisse présager un nouvel exode massif : selon l’ONU, plus de 500 000 personnes ont déjà été déplacées depuis début janvier.
Le rôle controversé du Rwanda dans le conflit
Le M23, officiellement une rébellion congolaise, est largement considéré comme un proxy du Rwanda, ce que Kigali nie fermement. Né en 2012 d’une scission au sein de l’armée congolaise, ce groupe affirme défendre les intérêts de la minorité tutsie de RDC, tout en luttant contre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), une milice hutue basée en RDC et considérée comme une menace par Kigali.
Depuis son retour en force en 2021, le M23 a conquis de vastes territoires dans le Nord-Kivu, installant une administration parallèle et contrôlant des routes commerciales stratégiques. Pour Kinshasa, il ne fait aucun doute que le Rwanda cherche à piller les ressources minières de la région. « Le M23 contrôle l’exploitation de minerais, collecte des taxes et délivre des permis d’exploitation », détaille Thierry Vircoulon.
Mais au-delà des considérations économiques, le conflit s’inscrit dans un cadre géopolitique plus large, où les tensions entre la RDC, le Rwanda et l’Ouganda façonnent les dynamiques de pouvoir. L’appui militaire de Kigali au M23 est également perçu comme une démonstration de force du président rwandais Paul Kagame, dont l’armée, bien organisée et disciplinée, contraste avec la faiblesse structurelle des FARDC.
La communauté internationale impuissante face à l’escalade
Alors que la situation se détériore, les réactions internationales peinent à produire des effets concrets. Les États-Unis, l’Union européenne et les Nations Unies ont appelé au retrait immédiat des troupes rwandaises de la région, sans pour autant annoncer de sanctions fermes contre Kigali.
À Kinshasa, la colère monte contre ce que beaucoup perçoivent comme une inaction de la communauté internationale. Le 27 janvier 2025, plusieurs manifestations ont éclaté, ciblant notamment les ambassades du Rwanda, de la France et des États-Unis. Des scènes de pillage ont été rapportées devant certaines représentations diplomatiques, signe d’un profond ressentiment envers les puissances étrangères accusées de passivité.
La chute de Goma : un tournant dans le conflit entre la RDC et le Rwanda
« Un partage du pouvoir ou une prise totale du contrôle du pays ne sont pas à exclure »
Dans ce contexte explosif, la question demeure : jusqu’où ira le M23 ? Vincent Karega, ambassadeur itinérant du Rwanda pour la région des Grands Lacs, a laissé entendre que les rebelles pourraient poursuivre leur progression vers Kinshasa. « Un partage du pouvoir ou une prise totale du contrôle du pays ne sont pas à exclure », a-t-il déclaré.
Face à cette menace existentielle, Kinshasa tente de mobiliser ses alliés régionaux, notamment l’Angola et l’Afrique du Sud, pour contenir la menace. Mais sans une réponse rapide et coordonnée, la RDC risque de plonger encore plus profondément dans une instabilité chronique, menaçant l’ensemble de la région des Grands Lacs.
Olivier d’Auzon