La fin de mandat de Volodymyr Zelensky approche, ses jours sont comptés
Alors que Kiev se trouve dans une impasse stratégique prolongée sur le terrain et fait face à une diminution de l'assistance occidentale, la Russie et les États-Unis cherchent à clore le chapitre de la guerre en Ukraine.
Si Moscou vise à consolider ses gains militaires, Washington aspire à se concentrer sur ses priorités stratégiques : résoudre la crise à Gaza à court terme et éviter une escalade entre Israël et l'Iran, tout en se projetant vers la Chine et l'Asie-Pacifique à long terme.
L'expiration du mandat présidentiel de Zelensky le 20 mai prochain offre une occasion à Washington et à Moscou de discuter en coulisses d'une sortie de crise, commente judicieusement Romain Poirot Lellig, consultant et maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris ( IEP Paris), dans la revue des deux mondes.
Et si leurs efforts soient synchronisés, ils ne sont pas coordonnés.
De fait, Zelensky a bel et bien affirmé en novembre 2023 que des élections présidentielles et législatives n'étaient pas à l'ordre du jour en raison de la situation du pays, la pression politique sur lui s'accroît.
Il lutte pour stabiliser son entourage et il est confronté à plusieurs mouvements d'opposition qui demandent des élections conformément au calendrier constitutionnel tout en critiquant l'absence de progrès militaire et la diminution du soutien occidental.
Moscou qui anticipe depuis plusieurs mois la fin de la légitimité démocratique de Zelensky, encourage une opposition politique "spontanée" pour pousser à des négociations de paix et au respect du calendrier électoral.
Son objectif ? Placer les bailleurs de fonds occidentaux de l'Ukraine dans une situation politique délicate.
Dans cette perspective, il est légitime de se demander comment Washington, Berlin, Londres et Paris pourraient soutenir l'Ukraine si Volodymyr Zelensky gouvernait sans mandat, alors que des groupes d'opposition appellent à la fin de la guerre.
De même, comment réagiraient les capitales occidentales si Zelensky ignorait ou réprimait les partis d'opposition, quel que soit leur lien supposé ou réel avec Moscou?
Moscou, fidèle à son attitude depuis le début de « l’Opération spéciale » baptisée plus tard « guerre contre l'Ukraine » en février 2022, a récemment approché plusieurs capitales occidentales pour exposer cette stratégie, usant à la fois de menaces et de déclarations excessives.
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Affirmant que ses objectifs territoriaux principaux depuis 2022 concernent les zones russophones de l'Ukraine, Moscou maintient que ses ressources militaires lui permettraient d'aller plus loin si ses conditions de désescalade n'étaient pas respectées.
De son côté, Kiev est confronté à un "arrêt brutal" en termes de recrutement et de financement, ainsi qu'à une coalition internationale informelle dont le poids est significatif. "De la Turquie au Moyen-Orient jusqu'à l'Inde : il suffit de regarder les pays qui blanchissent l'argent russe pour identifier nos ennemis", déclarait lucidement un proche de Volodymyr Zelensky début avril 2024.
Ces manœuvres n'ont pas échappé à Washington, où l'administration de Joe Biden cherche à tourner la page de la guerre en Ukraine, qu'elle n'a jamais pleinement embrassée. Le président américain se trouve dans une situation politique intérieure délicate : une année d'élections présidentielles avec un congrès hostile limitant sa marge de manœuvre pour soutenir l'Ukraine d'un côté, et une contestation vive liée à Gaza de l'autre.
Sur le plan international, la situation en Ukraine est bloquée stratégiquement, Pékin montre une attitude opportuniste voire agressive en Mer de Chine méridionale, et Benjamin Netanyahou est prêt à en découdre et se confronter l'Iran pour détourner l'attention de Gaza.
Par ailleurs ,Washington a intensifié depuis plusieurs mois son dialogue avec les mouvements de l'opposition ukrainienne en pleine croissance.
Le départ à la retraite le mois dernier de Victoria Nuland, antagoniste de Poutine à Washington, élargit le champ des possibilités pour l'administration américaine.
Alors que le mandat de voldymyr Zelensky touche à sa fin, Washington pourrait saisir l'opportunité de lui imposer une sortie "honorable" tout en se présentant comme un défenseur de la démocratie.
Selon la Maison-Blanche, un nouveau président ukrainien pourrait faire évoluer la situation et négocier un accord de paix accepté par la population et parrainé par la communauté internationale. Volodymyr Zelensky risque donc de succomber à une triple pression : de ses soutiens internationaux, de l'opposition interne, plus ou moins "spontanée", et d'une Russie qui maintient sa pression malgré les pertes humaines et matérielles importantes.
À mesure que la date du 20 mai 2024 approche, les gouvernements occidentaux doivent prendre des décisions qui s’avèrent compliquées et pour le moins désagréables, s'ils ne l'ont pas déjà fait…
Dans ce contexte, la France peut jouer un rôle grâce à ses récentes positions fermes sur l'Ukraine. Tout en maintenant une fermeté maximale envers Moscou, Paris peut mobiliser ses alliés européens pour garantir le respect du processus démocratique ukrainien.
S'en abstenir ne ferait que renforcer les oppositions intérieures et extérieures, qui pourraient conduire à une impasse.