Quand le français devient une matière obligatoire dans les écoles égyptiennes !
Alors que la politique étrangère française est plutôt en panne ces temps-ci, il est toujours bon de souligner quelques succès, certes rares mais néanmoins importants.
Ces succès demeurent pourtant largement ignorés voire occultés pour des raisons bassement idéologiques, par les observateurs et les médias français. Surtout lorsqu’ils concernent nos relations avec l’Égypte de Sissi…
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Roland Lombardi est docteur en Histoire, géopolitologue et spécialiste du Moyen-Orient. Il est le rédacteur en chef du Dialogue. Ses derniers ouvrages : Poutine d’Arabie (VA Éditions, 2020), Sommes-nous arrivés à la fin de l’histoire ? (VA Éditions, 2021) et Abdel Fattah Al-Sissi, Le Bonaparte égyptien ? (VA Éditions, 2023)
L’Égypte d’Abdel Fattah al-Sissi n’est pas qu’un partenaire géostratégique majeur de la France.
Au-delà de la profonde coopération entre Paris et Le Caire sur le plan commercial et militaire ainsi que dans le renseignement et la lutte contre le terrorisme dans la région, la plupart des observateurs comme des médias hexagonaux semblent vouloir ignorer voire occulter, pour des raisons bassement idéologiques, une initiative égyptienne historique éminemment importante pour l’avenir des relations franco-égyptiennes.
Normal dirons-nous, puisque c’est l’État égyptien dirigé par al-Sissi, qui est toujours considéré par certains « experts », plus idéologues et militants que véritables analystes, comme un « méchant dictateur » puisqu’il « persécute » les islamistes de la confrérie des Frères musulmans, encore présentés comme de « pauvres gentils moines bouddhistes » (Voir mon livre, Abdel Fattah Al-Sissi, Le Bonaparte égyptien ? VA Éditions, 2023).
Et en effet, cette information est passée quasi inaperçue du grand public. Il s’agit de la signature en 2020 entre l’Égypte et l’Agence française de développement (AFD) d’un accord visant à favoriser et améliorer l’enseignement de la langue française dans le plus peuplé des pays arabes (plus de 100 millions d’habitants).
Le Fonds de solidarité pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain (FSPI) permet aux ambassades françaises de mener sur le terrain des actions innovantes à impact rapide et fortement visibles au bénéfice des populations locales.
Le projet peut être porté au niveau national ou régional. D'une durée maximale de deux ans, chaque projet dispose d'un montant allant de 100 000 à un million d'euros. Les projets financés peuvent être repris à plus grande échelle par les bénéficiaires ou par d'autres acteurs du développement.
Le projet FSPI « Appui au développement du français en Égypte » (ADEFE), en partenariat avec l'institut français d'Égypte et Canopé, est né de la volonté de la coopération française d’appuyer le système éducatif égyptien public.
De fait donc, cette initiative qu’il faut saluer, vise à renforcer la francophonie et la qualité de l’enseignement de la langue française.
Ainsi, le français deviendra, à partir de l’année académique 2024-2025, une matière obligatoire enseignée comme seconde langue étrangère dans les écoles publiques égyptiennes - dont 3,5 millions d’élèves apprennent le français - du cycle préparatoire au cycle secondaire.
Cette décision des autorités égyptiennes pose ainsi les bases de l’enseignement du français dans le pays des pharaons et engage Paris au développement des programmes d'enseignement de la langue de Molière comme l'une des langues vivantes, ainsi qu’à la formation de 13 000 enseignants et instructeurs de la langue française.
Avec son statut de membre fondateur de l’Organisation internationale de la Francophonie, l’Égypte mène de nombreuses activités dans le pays pour promouvoir et renforcer la diffusion du français.
De même, et il faut s’en féliciter, cette mesure garantira le développement des ponts culturels et civilisationnels et le renforcement des liens entre les deux peuples.
L’Égypte compte également bénéficier de l’expertise technologique française dans tous les domaines qui concernent la modernisation en cours du pays.
Mais cette initiative s’inscrit aussi dans les profondes et inédites (voire historiques !) réformes dans l’Éducation égyptienne initiées depuis 2014 par Sissi et qui ont pour objectif, comme je le décris dans mon dernier ouvrage, une véritable révolution des mentalités…
Enfin, n’oublions pas le contexte international actuel avec l’accélération de la multipolarisation du monde dû à la guerre en Ukraine, le déclin occidental annoncé et la montée en puissance de la Chine (le chinois a été également introduit comme matière facultative dans le système éducatif égyptien). Car pour le président Sissi, se tourner vers la France, c’est aussi un moyen habile, comme il le fait depuis dix ans, de diversifier ses partenariats stratégiques étrangers.
Preuve s’il en est, que la France peut encore jouer un rôle dans le monde de demain. Elle en a le potentiel comme le démontrent, entre autres, la francophonie et ce dernier succès diplomatiques…
Il faut juste pour cela que les dirigeants français s’émancipent enfin de la tutelle américaine et européenne pour jouer leur propre partition garantissant les seuls intérêts français. Mais ça, c’est une autre histoire…