La France frappe au portefeuille les Frères musulmans… mais peut mieux faire !
Comme l’a annoncé une enquête du Figaro, le gouvernement français, dans sa lutte contre les islamistes, a enfin décidé de frapper très fort au portefeuille de l’organisation islamiste des Frères musulmans.
La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) aurait identifié pas moins d’une vingtaine de fonds de dotation douteux liés à l’islam politique. Après de longues et minutieuses investigations, huit des vingt fonds ciblés ont d’ores et déjà été suspendus, dont quatre font déjà preuve d’une assignation judiciaire avec volonté de les dissoudre.
C’est un bon début mais il reste encore fort à faire face dans ce domaine…
Roland Lombardi est docteur en Histoire, géopolitologue et spécialiste du Moyen-Orient. Il est le rédacteur en chef du Dialogue.
Ses derniers ouvrages : Poutine d’Arabie (VA Éditions, 2020), Sommes-nous arrivés à la fin de l’histoire ? (VA Éditions, 2021) et Abdel Fattah Al-Sissi, Le Bonaparte égyptien ? (VA Éditions, 2023).
Les Frères musulmans ont la même matrice idéologique qu’Al-Qaïda et Daesh.
Rappelons toujours que les cadres d’Al-Qaïda ont pour la plupart commencé leur engagement politique au sein de la confrérie.
Ce sont donc juste les méthodes (violentes pour le terroristes et « pacifiques » et empreint de taqiya pour les Frères) qui diffèrent pour instaurer au final une théocratie islamiste!
Malheureusement, les membres de cette organisation politico-religieuse extrémiste, sont encore présentés par certains « experts » occidentaux, par naïveté ou idéologie, comme des islamistes « modérés ».
Or les vrais spécialistes de la question vous le diront : « l’islamisme modéré » ça n’existe pas !
C’est donc en ce sens, on ne cessera pas de le répéter, que les Frères musulmans panislamistes sont assurément plus dangereux que les terroristes puisqu’ils répandent comme le dit justement Gilles Kepel, une sorte de « terrorisme d’atmosphère » dans le monde arabo-musulman et ailleurs...
Les Frères musulmans de plus en plus marginalisés dans le monde arabe
A la faveur des printemps arabes, les Frères musulmans avaient tenté de prendre le pouvoir, de manière pacifique ou pas, dans de nombreuses capitales arabes touchées par les révolutions.
Après plus de dix ans, c’est un cuisant échec.
En 2019, lors des nouvelles et multiples manifestations dans la région, les islamistes ne sont pas parvenus à s’imposer.
Au Soudan, les émeutes ont même renversé le frère musulman Omar al-Bachir.
En Algérie, les jeunes Algériens du « Hirak » ont farouchement rejeté de leurs cortèges les extrémistes et les groupes proches de la confrérie… Durant cette période, même les mollahs iraniens n’ont pas réussi à placer à Bagdad l’un de leurs pions lors des élections organisées dans la foulée des troubles irakiens.
Surtout, ce qui se passe aujourd’hui en Iran, avec la colère populaire qui ne faiblit pas contre le régime théocratique, est scruté par toutes les jeunesses arabes….
On assiste même ces dernières années à une timide, mais réelle forme d’« athéisation » progressive des jeunesses arabes.
Les islamistes semblent ne plus avoir le vent en poupe. Les fiascos des Frères un temps aux affaires, ainsi que l’anéantissement territorial de Daesh sont passés par là.
Or, l’idéologie de Daesh et Al-Qaïda n’est pas morte et peut encore frapper, on l’a vu, les États faibles comme en Afrique ou en Europe.
Quant aux Frères musulmans, ils sont considérés comme organisation terroriste par de nombreux pays de la région arabo-musulmane – Égypte, Émirats, Arabie saoudite, Syrie, Bahreïn et dernièrement les Comores.
En effet, ceux-ci savent à qui ils ont affaire et ne peuvent être suspectés « d’islamophobie »…
En juillet 2020, même en Jordanie, la Cour de cassation du pays, qui est la plus haute autorité judiciaire, a rendu un arrêt ordonnant la dissolution du groupe des Frères musulmans dans le pays, pourtant majoritaires au parlement jordanien.
Au Maroc, dix ans après l’arrivée du parti Justice et Développement (PJD) au pouvoir – l’unique parti « islamiste » autorisé –, les Frères marocains ont connu l’usure du pouvoir puis ont traversé une série de crise interne et de cuisantes défaites électorales.
En Tunisie enfin, Kaïs Saïed et la société civile sont méthodiquement et finalement parvenus à écarter du pouvoir et du Parlement, Rached Ghannouchi et son parti islamiste Ennahdha…
Or, même marginalisés et très affaiblis, il ne faut surtout pas les sous-estimer. Car ils sont toujours en embuscade partout, en investissant les réseaux sociaux, tout en attendant leur heure et un nouveau round des printemps arabes qui pourrait très bien resurgir à cause du contexte actuel de crise économique internationale…
Heureux comme un Frère musulman en France et en Europe
En dehors du monde arabe, d’autres pays commence à prendre conscience de la dangerosité mondiale et tentaculaire de cette organisation comme il y a quelques mois le Paraguay !
Mais également avant lui avec la Russie.
En Europe, un seul pays, l’Autriche, a eu le courage de décider, après les attentats de Viennes en 2020, d’inscrire cette confrérie politico-religieuse sur sa liste des organisations terroristes !
Ailleurs, en France, en Belgique et en Allemagne par exemple, les Frères et leurs associations ont pignon sur rue et vivent heureux comme des poissons dans l’eau.
En Europe, où bon nombre de cadres des Frères musulmans du monde arabe se sont depuis réfugiés (parfois avec le statut de réfugiés politique !), les Frères se servent de la faiblesse des démocraties occidentales malades pour prendre d’une manière ou d’une autre le pouvoir.
Par la culture voire l’économie, d’abord, avant d’investir la politique au niveau local (et un jour qui sait ? au niveau national) puis la sécurité intérieure. Tout en continuant de développer leur influence avec leurs propres associations ou au sein des mouvements communautaristes et surtout les universités européennes et américaines ainsi que certains partis politiques, qu’ils ont massivement infiltrées, aidés en cela par leurs idiots utiles que sont les militants de la mouvance Woke et autres islamo-gauchistes…
En France, nos services de sécurité et certains VRAIS experts (comme Gilles Kepel, Bernard Rougier ou encore Florence Bergeaud-Blackler – Lire d’ailleurs son excellent et dernier ouvrage Le frérisme et ses réseaux, l'enquête, Odile Jacob, 2023) ne cessent depuis des années de tirer la sonnette d’alarme. En vain !
Comme le rappelle l’enquête du Figaro : « sur le plan national, les Musulmans de France (MF), organisme qui a succédé à l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) en 2017, rejettent toujours officiellement, comme le CEM, tout lien avec la confrérie.
MF, selon le renseignement territorial, compte de 50 000 à 55 000 sympathisants avec 130 à 150 lieux de culte, 18 structures éducationnelles directement affiliées et quelque 280 mouvements et associations locales. Sans oublier un réseau éducatif qui va des collèges et lycées à l’enseignement supérieur, avec les Instituts européens des sciences humaines, en passant par une fédération nationale de l’enseignement privé musulman, créée en 2014 ».
Frapper au portefeuille, toujours une bonne solution
Dès lors, on ne peut que se réjouir de l’initiative du gouvernement français de frapper là où cela fait mal : au portefeuille !
« Au total, ce sont près de 25 millions d’euros qui ont d’ores et déjà été gelés sur les divers fonds de dotation, révèle au Figaro une source informée.
Il est trop tôt pour en mesurer les conséquences concrètes pour les associations, les entraves étant récentes et ces structures bénéficiant d’autres sources pour leur financement courant ».
Pour autant, un cadre du ministère de l’Intérieur l’affirme : « Le poids des entraves est d’ores et déjà mesuré par certains cadres des Frères musulmans qui s’en ouvrent, en privé et publiquement ».
On le sait, la menace terroriste ou de violence dérivant du séparatisme islamiste durera aussi longtemps que la matrice idéologique qui l’alimente existera.
Il serait donc opportun de réduire rapidement l’influence « frériste » en criminalisant et en interdisant purement et simplement l’organisation des Frères Musulmans (sous toutes ses formes et avec toutes les associations affiliées) comme l’ont fait, on l’a vu, nombre de pays arabes.
Cela lui interdirait d’agir sur notre territoire et la rendrait donc inopérante, en la marginalisant et la privant de nouveaux adeptes potentiels ainsi que de nouvelles cotisations.
Or c’est là que le bât blesse puisque la confrérie demeure encore très riche. Grâce d’abord aux contributions et de dons de leur centaine de milliers voire de leurs millions d’adhérents, membres et sympathisants à travers la planète et également grâce au soutien politique et financier de certains pays...
Napoléon le disait pour les guerres conventionnelles mais il en va de même pour les guerres idéologiques ou psychologiques. Pour les gagner il faut trois choses : de l’or, de l’or et de l’or ! Plus d’argent, plus de conflit !
C’est un peu ce qu’a justement fait Mohammed ben Salman en coupant, de manière brutale et historique, les vivres à toutes les organisations extrémistes et douteuses dans la région mais aussi au niveau international via les purges au sein de la Ligue islamique mondiale et surtout, en éliminant les grands féodaux du royaume qui jouaient leur propre partition dans ce domaine…
Sans argent les Frères musulmans ne pourraient plus entretenir cette guerre idéologique qu’ils livrent à l’Occident mais aussi au monde musulman.
C’est donc au portefeuille qu’il faut frapper, viser la banque Al-Taqwa et les comptes en banque bien garnis des dirigeants fréristes dans les paradis fiscaux.
De même, si la DGSI, ces deux dernières années, n’a plus détecté de financement des Frères musulmans en provenance des pays du Golfe, à la suite de messages passés au plus haut niveau, il faut poursuivre la pression sur certains États étrangers et, comme le rappelle Alain Chouet, l’ancien chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE : « réexaminer nos relations diplomatiques avec les puissances d’État qui instrumentalisent le séparatisme islamiste, voire le séparatisme communautaire tout court, à des fins de politique intérieure.
Il ne s’agit pas de rompre avec eux mais de prendre toutes mesures pour les convaincre que cette instrumentalisation leur coûtera plus cher qu’elle ne leur rapporte ».