Consultant auprès de l'ONU à "Al-Ain News": "le sommet des Brics à l’aune des réticences de New Delhi"
Dans un entretien à "Al Ain News", le Consultant juriste auprès des Nations Unies, de l'Union européenne et de la Banque mondiale, Olivier d'Auzon est revenu sur le prochain sommet des BRICS.
L'alliance des Brics, comprenant le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud, envisage tout à la fois : son expansion et la création d'une nouvelle monnaie pour gérer les paiements commerciaux internationaux, avec la ferme intention de contester le statut de réserve mondiale dominante du dollar américain.
C’est ainsi que le Sommet des Brics des 22 au 24 août 2023 à Johannesburg, en Afrique du Sud, pourrait servir de plate-forme pour une décision collective sur l'introduction de cette nouvelle monnaie Brics.
Alors que la majorité des pays Brics, dont le Brésil, la Russie, la Chine et l'Afrique du Sud, militent pour une monnaie commune, l'Inde se distingue comme le seul pays de l'alliance qui n'a pas montré d'enthousiasme débordant sur ce plan, c’est ce que montre Rezaul H Laskar dans les colonnes de l’Hindustan Times dans son article : « BRICS expansion backed by China, Russia to be in focus next week. What it means ».
De fait, l'émergence de discussions autour d'une éventuelle monnaie commune des Brics incite l'Inde à faire preuve de prudence quant à l'adoption de cette initiative.
De fait, New Delhi, appréhende qu'une telle décision n'introduise des complexités et des incertitudes dans ses relations commerciales bien établies avec les puissances occidentales.
On l’aura compris, New Dehli est à la recherche d'un équilibre entre ses liens étroits avec les États-Unis et l'Europe d'une part, et sa participation active à l'alliance des Brics d'autre part. Etant entendu que l'Inde gère habilement sa position.
L'objectif bien compris du pays est bel est bien de sauvegarder ses intérêts multiformes, en évitant les actions qui pourraient compromettre les cadres commerciaux et militaires avantageux déjà établis avec les nations occidentales.
Mais il y a plus, l'expansion des Etats-membres de l’alliance sera bel et bien aussi, au centre des préoccupations lors du sommet des Brics.
Pour l’heure, les cinq États membres de l’alliance, n'ont à ce jour, pas encore trouvé un terrain d'entente sur la question.
Dans cette perspective, Pékin, au même titre que Moscou, souhaitent ardemment l’expansion des Etats membres de l’alliance .
Pékin entend assurément faire du groupement un contrepoint à la domination occidentale sur les affaires mondiales.
Dans ce contexte, la bagatelle de 40 pays auraient exprimé leur intérêt à rejoindre les Brics. A savoir : l'Argentine, Cuba, l'Égypte, l'Iran, l'Indonésie, l’Algérie, Maroc, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (EAU). Si l'expansion se poursuit, ce sera la première depuis l'élargissement du groupement avec l'inclusion de l'Afrique du Sud en septembre 2010.
Dans ce contexte, la plus grande préoccupation de la part de New Dehli, concerne l'expansion des Brics, en particulier que l’alliance finisse par devenir « sino-centrée ».
De fait, cette crispation survient au moment même où les relations entre New Delhi et Pékin sont au plus bas en raison de l'impasse militaire sur la ligne de contrôle réel (LAC). ( NDLR : La ligne de contrôle réel ( Line of Actual Control (LAC) ) est une ligne de démarcation imprécise qui sépare le territoire sous contrôle indien du territoire sous contrôle chinois dans le différend frontalier sino-indien ).
Dans la même veine, le Professeur Harsh V Pant, vice-président de la section dédiée aux relations internationale de l’Observer Research Fondation (ORF) un Think tank de Mumbai, a déclaré que l'Inde avançait à reculons quant au processus d'expansion.
« Si l'expansion est pilotée par la Chine, cela tendra à renforcer la perception en Inde que l'intérêt de Pékin n'est pas de travailler ensemble pour chercher une plus grande voix pour les acteurs émergents, mais "plutôt de faire des Brics une plate-forme anti-américaine dans son orientation et sa forme", par les priorités chinoises », confesse Pant.
Pour autant, l'inclusion d'un pays comme les Émirats arabes unis n'est pas un problème, tandis que certains pays dont les noms sont mentionnés ci-dessus suscitent des inquiétudes.
Alors que les discussions sur l'expansion des Brics gagnaient du terrain au cours de la dernière année, la partie indienne a dans le même temps cherché à mettre l'accent sur des changements qui donneraient au groupe plus de poids et de cohérence.
Dans cette perspective, « Il est nécessaire de rationaliser les processus Brics et de travailler sur certains mécanismes existants qui conduisent à la duplication. Contrairement à d'autres groupements, les Brics n'ont toujours pas de secrétariat fixe ». Appuie le Professeur Harsh V Pant.