Sahel : luttes fratricides entre les terroristes de Daech et d’Al Qaïda
Malgré les récentes victoires maliennes dans le nord mali, le danger des groupes terroristes reste omniprésent dans la région. En particulier avec la présence de Daech et d’Al Qaïda qui se mènent une guerre pour la primauté du terrorisme dans le Sahara.
Depuis le coup d'État du général Abdourahamane Tiani au Niger le 26 juillet, plus de 210 personnes ont perdu la vie dans des attaques terroristes. Au Burkina Faso, depuis le putsch du capitaine Ibrahim Traoré en septembre 2022, le bilan s'élève à plus de 4 100 victimes. De même, au Mali, où le colonel Assimi Goïta est arrivé au pouvoir à la suite du coup d'État de mai 2021, près de 5 000 personnes ont été tuées selon les données alarmantes de l'ONG Armed Conflict Location & Event Data Project (Acled).
Une situation sécuritaire alarmante qui se produit pourtant sur fond de dissensions entre les protagonistes du terrorisme dans la région. La région du Sahel en Afrique subsaharienne est le théâtre d'une compétition féroce entre les groupes terroristes Al-Qaïda et Daech , exacerbant les défis sécuritaires existants et jetant une ombre inquiétante sur la stabilité des pays sahéliens.
«Bien que les deux groupes étaient au départ du même nid, ce sont aujourd’hui des guerres d’égos qui marquent leur opposition», affirme au micro d’Al-Ain Alain Rodier ancien officier supérieur des services de renseignement extérieurs, et depuis 2001, directeur de recherche au sein du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R). «Ça commence toujours par des guerres d’égos, qui sont suivies par des militants sur le terrain», insiste-t-il.
LUTTES FRATRICIDES
En effet, la rivalité entre Al-Qaïda au Maghreb (AQMI) et Daech dans le Grand Sahara (EIGS) a des implications majeures pour la sécurité au Sahel. Ces groupes cherchent à étendre leur influence, à recruter des partisans et à dominer les communautés locales, générant des affrontements violents qui alimentent le cycle de l'instabilité et de l'insécurité.
«Les activistes de daech, dans leur écrasante majorité, sont des anciens d’Al-Qaeda qui ont rejoint daech en 2014 et durant les années suivantes car ils ont senti que daech avait le vent en poupe. Et ce en grande partie par des victoires de daech en Syrie, en Irak et au-delà. En Afrique, le meilleur exemple sont les groupes Boko Haram ou encore Al-Shabab qui ont prêté allégeance à daech au cours des dernières années», rappelle notre interlocuteur.
Leur impact sur la situation sécuritaire au Sahel est significatif. Malgré la reprise récente de Kidal, par les Forces armées maliennes, l’impact de ces groupes reste gigantesque tant leurs réseaux sont tentaculaires dans la zone.
Les rivalités entre Al-Qaïda et Daech ont contribué à la multiplication des attaques terroristes, entraînant des pertes humaines, la déstabilisation des communautés locales et la migration forcée de milliers de personnes. Les forces de sécurité sahéliennes, déjà confrontées à des défis considérables, doivent faire face à une menace double, compliquant davantage leurs efforts pour contenir ces groupes extrémistes dans une région difficilement contrôlable.
Au Sahel, le rapport de force entre AQMI et l'EIGS est en constante évolution. AQMI, actif depuis les années 2000, a établi des liens avec des groupes tribaux et ethniques, consolidant sa présence. L'EIGS, émergé plus récemment, représente une menace significative en recrutant des combattants, souvent issus de tribus marginalisées.
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Les leaders, Abdelmalek Droukdel pour AQMI et Adnane Abou Walid al-Sahraoui pour l'EIGS (avant sa mort en 2021), façonnent la dynamique de la rivalité. La compétition pour l'allégeance des groupes tribaux, des ressources et du territoire contribue à l'instabilité au Sahel, accentuant les défis sécuritaires.
Les différences entre Al-Qaïda et l'État islamique remontent à leurs origines historiques. Al-Qaïda, fondée par Oussama ben Laden dans les années 1980, a centré ses activités sur la lutte contre les Soviétiques en Afghanistan, avec une approche axée sur la formation de réseaux mondiaux et des objectifs à long terme.
Daech, émergé plus tard, se distingue par sa volonté de créer un califat immédiat. L'annonce du califat par Abou Bakr al-Baghdadi en 2014 a marqué un tournant, attirant des combattants étrangers et déclenchant des opérations militaires d'envergure.
«S’ils se font la guerre dans le Sahara, c’est comme au Moyen-Orient et en Afghanistan, pour pouvoir affirmer être le leader du terrorisme «sunnite» à l’échelle internationale», conclut Alain Rodier.
Ces différences historiques ont façonné les stratégies divergentes des groupes au Sahel. Alors qu'Al-Qaïda s'est concentré sur des alliances locales et des tactiques de guérilla, Daech a cherché à établir une présence territoriale immédiate, accentuant les tensions entre les deux entités.