Guerre du Gaz : Shah Deniz, le trésor stratégique de l'Azerbaïdjan
Dans le contexte de la fermeture du transit de gaz russe via l’Ukraine et de l’attention significative suscitée par la Slovaquie et la Hongrie, l’Azerbaïdjan émerge comme un acteur crucial sur le marché européen du gaz.
Le pays renforce ses liens économiques avec les nations d’Europe du Sud et de l’Est, notamment à travers la Société du Corridor Sud de Gaz (Southern Gas Corridor CJSC ou SGC).
En 2024, la Société Nationale Pétrolière de la République d’Azerbaïdjan (SOCAR) a élargi son réseau de fourniture de gaz pour inclure de nouveaux marchés comme la Slovaquie, la Croatie et la Macédoine du Nord.
Cette diversification souligne le rôle stratégique de l’Azerbaïdjan dans la quête européenne de sécurité énergétique et de réduction de la dépendance vis-à-vis du gaz russe.
Augmentation des exportations de gaz vers l’Europe
Depuis 2021, les exportations de gaz de l’Azerbaïdjan vers l’Union européenne ont connu une augmentation significative, avec des plans pour doubler ces flux d’ici 2027. Cependant, cet objectif ambitieux dépend à la fois de la capacité des infrastructures et de la capacité de l’Azerbaïdjan à gérer une consommation domestique croissante. Selon l’Economist Intelligence Unit (EIU), ces dynamiques posent des défis nécessitant des investissements stratégiques et une planification minutieuse.
De janvier à septembre 2024, l’Azerbaïdjan a exporté 9,4 milliards de mètres cubes de gaz vers l’Europe, marquant une augmentation de 9,3 % par rapport à la même période en 2023. Cette croissance souligne l’importance croissante du Corridor Sud de Gaz (SGC) et des pipelines associés, notamment le Trans-Adriatic Pipeline (TAP), pour répondre aux besoins énergétiques de l’Europe.
Le Corridor Sud de Gaz et l’expansion du TAP
Le Corridor Sud de Gaz est un projet d’infrastructure essentiel qui relie les vastes réserves de gaz naturel de l’Azerbaïdjan aux marchés européens. Le TAP, un segment clé de ce corridor, dispose actuellement d’une capacité de 10 milliards de mètres cubes par an. Bien que de légères augmentations de capacité soient possibles sans améliorations techniques majeures, une expansion substantielle sera nécessaire pour atteindre l’objectif de 20 milliards de mètres cubes d’ici 2027.
Cette expansion est essentielle pour réaliser le doublement des exportations de gaz envisagé par l’Azerbaïdjan et l’UE.
Réserves de gaz naturel et défis de développement
L’Azerbaïdjan possède des réserves estimées à 1,3 billion de mètres cubes de gaz naturel, principalement situées dans le champ Shah Deniz en mer Caspienne. Le développement de ce champ a été phasé, avec une première phase produisant environ 10 milliards de mètres cubes par an.
La deuxième phase, qui a commencé en 2021, devrait ajouter 16 milliards de mètres cubes par an d’ici 2026. Cependant, exploiter pleinement ces réserves nécessite des investissements significatifs dans le développement en amont et dans les infrastructures de transport.
L’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) souligne que l’Azerbaïdjan doit relever ces besoins en investissements pour maintenir et accroître sa capacité d’exportation de gaz.
Moderniser les infrastructures énergétiques, développer de nouveaux champs et assurer une gestion efficace de l’énergie domestique sont des étapes critiques pour réaliser ses ambitions.
Exploration de nouvelles routes et défis
En plus des routes d’exportation existantes, des discussions ont eu lieu sur des méthodes alternatives pour renforcer les flux de gaz azerbaïdjanais vers l’Europe. Bloomberg a récemment rapporté la possibilité d’utiliser l’Ukraine comme pays de transit pour le gaz azerbaïdjanais via des échanges de gaz avec la Russie.
Cependant, cette approche rencontre des obstacles techniques, logistiques et géopolitiques significatifs, ce qui rend sa faisabilité incertaine.
Implications stratégiques pour l’Europe
Le rôle croissant de l’Azerbaïdjan sur le marché européen du gaz témoigne de son importance stratégique dans le paysage énergétique en évolution. En diversifiant les sources de gaz, l’Europe vise à atténuer les risques liés à une dépendance excessive vis-à-vis de l’énergie russe.
Pour autant, le succès de cette stratégie dépend d’investissements opportuns dans l’expansion des pipelines, d’une coopération accrue entre les pays de transit et de la gestion des défis de consommation domestique en Azerbaïdjan.
Alors que l’Azerbaïdjan continue de renforcer sa position en tant que partenaire énergétique clé pour l’Europe, l’interaction entre les dynamiques de marché, le développement des infrastructures et les considérations géopolitiques façonnera l’avenir de sa stratégie d’exportation de gaz
Olivier d’Auzon