La stratégie énergétique des États-Unis : Profiter d’un monde sans gazoducs Russes
Avec la rupture du transit gazier via l’Ukraine , le 1er janvier 2025, les États-Unis se positionnent comme les principaux bénéficiaires de ce bouleversement.
Leur gaz naturel liquéfié (GNL) inonde désormais le marché européen, offrant une alternative rapide et stratégique au gaz russe.
Pour autant, cette domination se fait à un coût considérable : le GNL américain est vendu environ cinq fois plus cher que le gaz russe.
L'UE et la Russie ont déjà surmonté des perturbations bien plus graves en 2022
Les analystes amplifient volontiers les conséquences négatives liées à la rupture du transit gazier via l’Ukraine, pour autant l'UE et la Russie ont déjà surmonté des perturbations bien plus graves en 2022.
A ce titre, en 2022, des gazoducs à l’instar de Yamal et Nord Stream ont été fermés ou sabotés. Cela a réduit la part du gaz russe dans les importations de l'UE de plus de 40 % à 8 % entre 2021 et 2023, bien que l'UE ait échappé de justesse à la récession cette année-là.
La décision de l'Ukraine de couper le gaz ne touche directement que 5 % des importations européennes, affectant principalement la Slovaquie, la Hongrie et la Moldavie.
La coupure apparaît plus politique qu’énergétique, visant des pays aux positions anti-OTAN, tout en n'impactant pas significativement les autres membres de l'UE. La Transnistrie, par contre, subit des conséquences plus graves, notamment l'interruption du chauffage et de l'eau chaude pour les ménages, ce qui pourrait entraîner des troubles politiques et des changements de régime favorisant une invasion de la Moldavie ou de l'Ukraine.
La Slovaquie et la Hongrie, bien que pénalisées, ont la possibilité d'importer du gaz naturel liquéfié (GNL) plus coûteux via des terminaux en Lituanie, Pologne et Croatie.
En revanche, la Transnistrie est plus exposée à une crise majeure, pouvant nuire à la Russie si son gouvernement est renversé ou la région capturée par ses voisins. Cela pourrait mener à un conflit, mais une escalade avec des troupes russes est peu probable.
Finalement, cette situation pourrait offrir à l'UE la possibilité de réintégrer du gaz russe à bas prix après la fin du conflit, en échange de concessions politiques de la Russie, ce qui bénéficierait à la fois à l’Europe et à la Russie.
Les États-Unis, renforçant leur influence en Europe, pourraient jouer un rôle en facilitant un accord sur le gaz russe, à condition que la Russie fasse des concessions en Ukraine.
Washington devrait approuver cela, ayant renforcé leur hégémonie sur l’UE depuis le début de l’opération spéciale.
Une diplomatie énergétique créative pourrait déboucher sur une percée, où les États-Unis pourraient échanger des actifs saisis contre une reprise partielle des importations de gaz russe, à condition que la Russie fasse des concessions en Ukraine.
La Chine : Le facilitateur silencieux du Gaz russe
Dans l’ombre de cette crise énergétique, la Chine joue un rôle plus subtil mais tout aussi déterminant. Depuis l’escalade des sanctions contre Moscou, Pékin a intensifié ses importations de gaz russe à des prix avantageux. Une partie de ce gaz, après transformation ou transit, est discrètement réexportée vers l’Europe sous couvert d’accords commerciaux ou de partenariats multilatéraux.
Cette manœuvre, qui contourne les sanctions et brouille les lignes de traçabilité, permet à Moscou de continuer à monétiser ses ressources énergétiques tout en réduisant sa dépendance directe aux marchés européens. Pour l’Europe, cela soulève des questions sur l’efficacité réelle de sa politique de désengagement énergétique vis-à-vis de la Russie.
Une victoire économique pour Washington et Pékin
Les États-Unis et la Chine, bien que dans des camps opposés sur de nombreux fronts, émergent tous deux comme grands gagnants de cette situation. Washington consolide son rôle de premier fournisseur énergétique de l’Europe, tandis que Pékin s’impose comme un pivot discret, exploitant les lacunes des sanctions européennes pour maximiser ses gains économiques et renforcer ses relations stratégiques avec Moscou.
Pour l’Europe, ce double jeu expose une vulnérabilité : même en diversifiant ses fournisseurs, elle reste prise dans des dynamiques globales où elle a peu de contrôle direct.
L’Europe face à des défis multiples
Si l’arrêt du gaz russe via l’Ukraine est présenté comme une victoire symbolique, il accentue les défis économiques pour l’Europe. D’un côté, le coût élevé du GNL américain pèse lourdement sur les consommateurs et les industries. De l’autre, l’arrivée indirecte de gaz russe via la Chine remet en question la cohérence des sanctions et souligne une dépendance énergétique qui, bien que réduite, reste problématique.
La Russie en recul mais pas définitivement
Pour la Russie, la perte du transit gazier via l’Ukraine constitue un revers économique et symbolique. Cependant, grâce à son partenariat renforcé avec la Chine, Moscou trouve des moyens de contourner l’isolement imposé par l’Europe. Ce lien sino-russe, soutenu par des intérêts économiques et géopolitiques communs, pourrait prolonger la capacité de la Russie à peser sur le marché énergétique mondial.
Alors que les États-Unis affichent leur victoire stratégique en Europe, la Chine joue un rôle de facilitateur silencieux, permettant à la Russie de maintenir une présence indirecte sur le marché européen.
Cette dynamique met en lumière une recomposition énergétique mondiale où l’Europe, malgré ses efforts pour se libérer de sa dépendance au gaz russe, reste exposée à des influences extérieures.
À court terme, les Américains profitent pleinement de cette situation, mais à un coût élevé pour les Européens, qui paient leur énergie au prix fort. À long terme, l’Europe devra non seulement diversifier ses sources d’approvisionnement, mais également renforcer ses mécanismes de contrôle pour éviter que des acteurs comme la Chine ne contournent ses stratégies énergétiques.
Olivier d’Auzon