Tentative d’un coup d’État en Allemagne : les groupes d’extrême-droite sont-ils vraiment une menace ?
L’arrestation, début décembre en Allemagne d’une trentaine de membres présumés d'un groupe d'extrême droite qui, auraient préparé un coup d'État violent pour installer un aristocrate allemand à la tête du pays, a réveillé certains démons dans les médias.
Or la menace d’extrême droite est-elle réellement fondée ?
Selon les enquêteurs de la police allemande, un groupe, dont beaucoup étaient membres du mouvement Reichsbuerger (citoyens du Reich), prévoyait de prendre d'assaut le bâtiment du parlement Reichstag à Berlin, d'arrêter les parlementaires et d'installer l'aristocrate Heinrich XIII Prinz Reuss à la tête d'un nouvel État.
Ce groupe complotiste, inspiré par l'idéologie d'extrême-droite et les théoriciens modernes du complot de l'État profond (QAnon), aurait prévu de mettre en place de nouveaux ministères et une nouvelle armée avec une « compagnie de protection de la patrie » comprenant certains membres expérimentés des forces armées de la Bundeswehr.
Pour le procureur général, cette organisation – qui comprennait des personnes possédant des armes et sachant comment s’en servir – était décidée à passer à l’action.
L’enquête, toujours en cours, déterminera donc s’il s’agissait d’une véritable menace ou d’un simple fantasme d’une bande de pieds nickelés, ce qui est souvent le cas dans ces mouvances.
En attendant, pour les médias et les dirigeants européens, agiter le spectre de l’arrestation ou de la dissolution d'un groupe factieux – ou qualifié comme tel – toujours d’extrême droite, est souvent une manœuvre grossière pour faire diversion et occulter les vrais problèmes sociétaux et économiques qui touchent actuellement toute l’Union européenne. Et aussi, faire oublier leurs échecs et les effets délétères de leur politique dans tous les domaines notamment régaliens. Ces sursauts d’autorité de la part des gouvernements européens relèvent donc plutôt, la plupart du temps, d’un coup de com’ ou politique.
Un Occident et une Europe en crise
Même si le pire est toujours possible, il est tout de même très difficile de croire à une réelle tentative de coup d’État de nos jours en Allemagne ou ailleurs en Europe, même dans des démocraties à bout de souffle.
Plus qu’ailleurs, concernant les complots de coup d’État, et comme le rappelait Michel Rocard, « il faut toujours préférer l'hypothèse de la connerie à celle du complot. La connerie est courante. Le complot exige un esprit rare ».
Toutes les sociétés modernes et particulièrement les sociétés occidentales sont actuellement traversées par une multitude de crises. Crises identitaires, crises économiques et sociales, rejets du politiquement correct, rejets des élites, rejets de la mondialisation, etc... Il n’y a plus d’idéologie, plus de grandes aventures, de grandes épopées, plus de grands projets... C’est un malaise général et existentiel qui touche le monde occidental.
Tous les pays connaissent leurs « territoires périphériques » (en référence à la « France périphérique » du géographe Christophe Guilluy) confrontés à la « mondialisation malheureuse ». Alors, que cela nous plaise ou non, à tort ou à raison, la seule alternative politique est alors représentée par les divers « populistes ».
Avec certains succès, comme on l’a vu aux Etats-Unis, avec Trump, ou dernièrement encore en Italie avec Meloni. En France, c’est plus compliqué. On l’a vu avec le pourrissement et l’essoufflement des Gilets jaunes entre 2018 et 2019, et les fiascos répétitifs de Marine Le Pen en 2017 puis en 2022...
Mais le malaise est beaucoup plus profond que certains ne le pensent. Il ne s'est pas évaporé comme le croient naïvement certains. Loin de là. Au contraire, les frustrations, la déception, la rancœur et le désespoir s'enkystent de plus en plus dans les esprits et les cœurs. Surtout depuis la pandémie du Covid et aujourd’hui, la crise énergétique et économique en grande partie provoquée par la guerre en Ukraine et les sanctions inconséquentes votées par l’Occident contre la Russie qui lui reviennent comme un boomerang en pleine figure.
Face à une classe dirigeante totalement discréditée, perçue comme hors-sol, et sans aucune alternative politique sérieuse, nul ne peut prévoir les réactions futures de certains de nos concitoyens désespérés et exaspérés qui, ne se sentant plus représentés, écoutés, protégés, sont habités par une colère croissante qui n'attend malheureusement plus qu'une étincelle pour exploser.
Pour l’instant, les réseaux sociaux, où une véritable guerre civile a déjà commencé depuis quelques années, reste le principal défouloir. Cette colère, notamment en France, se traduit également encore parfois (heureusement) dans les urnes avec les records d’abstention ou les votes contestataires mais stériles comme aux dernières législatives françaises du printemps dernier…
L’extrême-droite en Europe, quel niveau de menace ?
Encore en France par exemple, il y a peut-être une vingtaine de groupuscules de l’ultra-droite. Le nombre de personnes qui y gravitent atteint sûrement le millier de « militants ». Or, cette mouvance et ses réseaux sont étroitement surveillés (et souvent infiltrés) depuis des années par les services français.
Concernant la plupart des autres groupes « clandestins » qui se forment régulièrement, ce ne sont souvent que des coquilles vides. Beaucoup de ces petits groupuscules naissent et disparaissent aussitôt. Il n’y pas de profil type des personnes qui les composent mais souvent ce sont des gens marqués par les échecs et les rejets. Attirés au début par l’action politique et militante, ils sont souvent déçus par les partis traditionnels.
De plus, nous avons souvent affaire encore une fois à de véritables pieds nickelés. Ce sont surtout des « révolutionnaires du clavier » plus qu’autre chose. D’ailleurs, c’est la plupart du temps comme cela qu’ils se font tous interpeller : à cause de leurs profils sur Facebook et surtout, leur activisme et leur violence… mais sur les écrans !
Même si certains se préparent au « Grand soir » (pour eux, la guerre civile), nous sommes encore très loin de la dangerosité et du sérieux de groupes comme La Cagoule, l’OAS, ou l’IRA irlandaise, ou encore l’ETA basque.
Pour l’instant, le vrai danger viendrait plutôt d’un illuminé ou d’un déséquilibré plus ou moins isolé, une sorte d’Anders Breivik ou d’un Brenton Tarrant version locale. Ou pire de petites cellules complètement déconnectées et indépendantes les unes des autres, composées seulement de 2 à 3 personnes vraiment déterminées (pas plus, pour éviter ainsi les fuites et les infiltrations, comme en son temps les meilleures cellules de l’IRA que j’ai évoquée plus haut) et bien sûr totalement « low tech » (sans portables, internet ou réseaux sociaux…). Là ce serait une tout autre histoire et le rêve d’Al-Souri, pourrait malheureusement finir par se réaliser…
Et en effet, la stratégie d’Abou Moussab al-Souri, le théoricien terroriste de la guerre civile en Europe, avait pour objectif principal, dans son Appel à la résistance islamique mondiale, la réalisation de ce scénario : la multiplication des attaques terroristes touchant l’Europe, devait pousser certains à s’en prendre aveuglément à tous les musulmans du continent européen et ainsi enclencher un « engrenage de la violence » !
Alors bien sûr, comme dit plus haut, la menace terroriste d’extrême droite est à prendre en compte. De ce côté là aussi, le risque zéro n’existe pas. Patrick Calvar, l’ancien patron de la DGSI, avait d’ailleurs fait part de ses craintes quant au spectre d’un choc communautaire excité par l’ultra-droite à la faveur des attentats de Daesh et d’al-Qaïda à partir de janvier 2015.
Or, la plus grande menace terroriste actuellement en France et également dans le reste de l’Europe, comme le soulignent chaque jour tous les rapports des services européens de sécurité, demeure encore et toujours le terrorisme islamiste !
Le sensationnalisme autour du « danger de l’extrême droite » a bon dos ! La violence de l’extrême-gauche (dont les groupes sont pourtant beaucoup plus agressifs et dangereux) n’est elle aussi pas en reste. D’ailleurs, les crises sociales et économiques s’aggravant quotidiennement, des groupes tels que les anciennes Action directe ou Fraction armée rouge pourraient également éclore…
Pour en revenir au risque d’attentat de l’ultra-droite, il faudrait là aussi se demander quelle en serait la cause.
Par naïveté, laxisme, idéologie ou parfois simple et cynique calcul politique, les responsables politiques européens, mondialistes et progressistes, majoritairement au pouvoir dans l’Union européenne, ne veulent pas s’attaquer avec détermination et fermeté à l’insécurité, au défi migratoire, au danger communautaire et l’islam politique qui minent déjà toutes les sociétés d’Europe. Ils entretiennent ainsi les divisions entre les communautés et les classes sociales et surtout la fracture entre peuple et élites et également les peurs, les frustrations et la colère des Européens. Pourtant ces problèmes devraient faire consensus, car ils sont les grands enjeux géopolitiques et existentiels du Vieux continent.
Si les leaders européens décidaient de sortir de leurs dénis idéologiques, de cesser d’être forts avec les faibles et faibles avec les forts et de reprendre goût pour l’autorité régalienne, forte mais juste, bref s’ils faisaient enfin leur job pour assurer véritablement la sécurité (dans tous les domaines) de leurs concitoyens, le danger, violent ou électoral, de l’extrême droite, ne serait tout simplement plus une menace !