La SADC, dernière carte de Tshisekedi dans la bataille pour l’Est ?
Dans l’arène incandescente de l’est congolais, Félix Tshisekedi joue son va-tout.
Après des mois d’alliances incertaines et de médiations stériles, le président congolais s’accroche à son dernier levier : la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). Plus qu’un simple choix diplomatique, c’est une question de survie politique et nationale.
Une diplomatie en déroute
Tshisekedi a exploré toutes les pistes. L’Angola, d’abord, où João Lourenço s’est posé en médiateur entre Kinshasa et Kigali. Mais l’accord de Luanda, censé ouvrir la voie à une désescalade, est resté lettre morte.
Lourenço, soucieux de préserver ses relations avec les deux camps, n’a pas poussé Kagame dans ses retranchements.
Puis vint l’expérience amère de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC). Kinshasa avait accepté à contrecœur une force régionale (EACRF), espérant un arbitrage militaire efficace contre le M23. Mais cette mission, dominée par des pays comme le Kenya et l’Ouganda, aux liens ambigus avec le Rwanda, s’est révélée impuissante. Au lieu d’attaquer le M23, elle a temporisé. Excédé, Tshisekedi a mis fin à son mandat en décembre 2023.
Il ne restait qu’une option : la SADC.
La SADC : un pari audacieux mais risqué
La SADC, c’est un tout autre cadre. Contrairement à l’EAC, elle ne partage pas les mêmes liens économiques avec Kigali. Elle a une tradition d’intervention militaire plus affirmée, notamment avec l’Afrique du Sud et la Tanzanie. Et surtout, elle n’a jamais toléré l’idée qu’un pays membre puisse être ébranlé par un voisin.
Tshisekedi l’a compris. Il a demandé à la SADC de déployer une force robuste, offensive, pour reprendre l’initiative face au M23. En 2023, la Mission militaire de la SADC en RDC (SAMIDRC) a été lancée. Un soulagement pour Kinshasa, qui voyait enfin un partenaire prêt à en découdre.
Mais cette mission est loin d’être un engagement aveugle. L’Afrique du Sud, acteur clé de la coalition, a accepté d’envoyer des troupes, mais Pretoria reste préoccupée par ses propres difficultés économiques et militaires. La Tanzanie, qui avait déjà participé à des opérations militaires en RDC, affiche un soutien plus stable, mais jusqu’où ira-t-elle ?
Une opération sous tension
La SAMIDRC a les moyens de peser sur le terrain, mais elle fait face à deux défis majeurs. D’abord, son financement. Contrairement à l’ONU ou à l’EAC, la SADC n’a pas une structure de financement immédiate pour des opérations d’envergure. La RDC doit assurer une grande partie du coût, une charge colossale pour un pays déjà en proie à des difficultés budgétaires.
Ensuite, la réactivité. Une intervention militaire ne se décrète pas du jour au lendemain. Il faut des moyens logistiques, du renseignement précis, et surtout une volonté politique sans faille des États contributeurs. Or, tous les membres de la SADC ne partagent pas la même urgence face à la crise congolaise.
Le Rwanda en embuscade
Pendant ce temps, Kigali observe. Paul Kagame sait que la SADC est une machine lourde, où les décisions prennent du temps. Il sait aussi que chaque retard profite au M23, qui continue d’étendre son emprise sur le Nord-Kivu.
Si la SAMIDRC ne se déploie pas rapidement et avec force, la stratégie de Tshisekedi risque de s’effondrer. L’élection présidentielle de décembre 2023 a reconduit son mandat, mais la pression populaire est immense. Les Congolais attendent des résultats concrets, pas des promesses.
La SADC est donc la dernière carte de Tshisekedi. Un échec de cette mission signifierait un isolement total, un aveu d’impuissance face au Rwanda. Une réussite, en revanche, pourrait rétablir l’équilibre des forces et redonner à Kinshasa la maîtrise de son destin. Le compte à rebours a commencé.
Olivier d’Auzon