Le défi de la domination chinoise : Pourquoi la construction navale est devenue un enjeu stratégique pour les États-Unis
Face à la domination chinoise dans la construction navale, les États-Unis tentent de réagir pour protéger leur souveraineté industrielle et leur sécurité nationale. Un défi stratégique de taille.
Face à une domination écrasante de la Chine dans le secteur mondial de la construction navale, les États-Unis tirent la sonnette d'alarme. Une enquête récente du Bureau du Représentant américain au commerce (USTR) met en lumière des pratiques jugée déloyales qui menacent la concurrence internationale et la sécurité économique des États-Unis.
En 2024, plus de 50 % des navires construits dans le monde sont sortis des chantiers navals chinois. Derrière cette performance se cache une stratégie industrielle agressive, soutenue par des subventions massives de l’État chinois, des financements avantageux et une politique industrielle visant à asseoir la suprématie de Pékin dans un secteur crucial pour le commerce et la défense. Pour Washington, la situation n’est plus tenable. L’USTR appelle à des mesures urgentes pour revitaliser l’industrie américaine de la construction navale, réduite à une part marginale du marché mondial après des décennies de déclin.
Le modèle chinois en question
L’enquête de l’USTR détaille les mécanismes qui permettent à la Chine de dominer ce secteur stratégique. Des subventions massives, allant de la réduction des coûts de production à des prêts avantageux pour les constructeurs navals, donnent aux entreprises chinoises un avantage compétitif considérable. Ces pratiques, qui faussent les règles du marché, ont conduit à la fermeture de nombreux chantiers en Europe et aux États-Unis, incapables de rivaliser sur les prix.
« Ce n’est pas simplement une question économique. C’est une question de souveraineté industrielle et de sécurité nationale », explique un analyste proche du dossier.
Les navires jouent un rôle clé dans les chaînes d'approvisionnement mondiales, le transport de marchandises et la défense maritime. Laisser un seul pays dominer ce secteur pourrait avoir des conséquences stratégiques de grande ampleur.
Les États-Unis en quête de solutions
Face à cette réalité, Washington ne reste pas les bras croisés. Plusieurs pistes sont évoquées pour relancer une industrie autrefois florissante. Parmi elles, une augmentation des investissements fédéraux dans les infrastructures des chantiers navals, des incitations fiscales pour encourager la construction locale, et le renforcement des lois "Buy American", qui privilégieraient l’achat de navires construits aux États-Unis pour les besoins gouvernementaux et militaires.
Cependant, les défis sont de taille. Moderniser les chantiers navals américains, former une nouvelle génération de travailleurs qualifiés et adopter les dernières innovations technologiques, comme les navires écologiques ou les outils de numérisation, nécessitent un effort de longue haleine.
« Il ne s’agit pas seulement de combler un retard, mais de redéfinir le modèle américain de construction navale pour l’adapter aux exigences du 21ᵉ siècle », souligne un expert en politique industrielle.
Un défi international
La Chine, de son côté, rejette les accusations de pratiques déloyales et se défend en soulignant que son succès résulte de son efficacité et de sa compétitivité. Mais les États-Unis ne sont pas seuls dans leur lutte. Washington appelle ses alliés, notamment en Europe et en Asie, à collaborer pour contrer les politiques chinoises. Une alliance internationale pourrait s’appuyer sur des accords commerciaux renforcés et une application stricte des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Un avenir incertain
Malgré ces efforts, la route sera longue pour les États-Unis. Pendant des décennies, le pays a réduit ses investissements dans ce secteur au profit d’autres priorités économiques. Les conséquences sont visibles : un réseau de chantiers vieillissant, un déficit de main-d’œuvre spécialisée et une perte de savoir-faire technologique.
La question reste donc ouverte : les États-Unis peuvent-ils rattraper leur retard face à un adversaire aussi puissant et organisé que la Chine ? L’enquête de l’USTR et les mesures qui en découleront marquent une étape décisive. Elles pourraient redéfinir non seulement la construction navale, mais aussi les équilibres industriels mondiaux dans les années à venir.
Olivier d’Auzon