Face au déploiement russe à Benghazi, Dabaiba défend la souveraineté libyenne
Le Premier ministre libyen, Abdul Hamid Dabaiba, a dénoncé les récentes tentatives de la Russie de renforcer sa présence militaire en Libye.
Lors d’une déclaration marquante, il a affirmé que son pays ne deviendrait pas une plateforme pour les luttes d’influence internationales, et a exprimé sa préoccupation face à la militarisation accrue de l’est libyen, une région déjà fragilisée par des années de conflit.
« Nous refusons que des conflits internationaux soient transférés en Libye. Notre pays ne doit pas devenir un champ de bataille pour des puissances étrangères », a déclaré Abdul Hamid Dabaiba, dont le gouvernement est reconnu par l’ONU et basé à Tripoli.
Une Libye divisée face aux ambitions russes
Depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est plongée dans un chaos politique et sécuritaire. Le pays est divisé entre le gouvernement de Tripoli, soutenu par l’ONU, et une administration rivale basée dans l’est, dirigée par le maréchal Khalifa Haftar. Ce dernier bénéficie depuis des années du soutien militaire et logistique de Moscou, qui cherche à renforcer son influence dans la région méditerranéenne.
Des rapports récents indiquent que la Russie a transféré des équipements militaires depuis ses bases en Syrie – notamment Tartous et Hmeimim – vers la base libyenne d’al-Khadim, près de Benghazi.
Ces équipements incluraient des systèmes de défense aérienne avancés tels que les S-300 et S-400. Ce renforcement militaire s’inscrit dans un contexte de repositionnement stratégique de Moscou après la chute du régime Assad en Syrie, qui a fragilisé sa présence dans ce pays.
Pour Abdul Hamid Dabaiba, ces manœuvres risquent d’aggraver la crise interne libyenne. « Aucun patriote ne veut voir une puissance étrangère imposer son autorité sur notre pays », a-t-il affirmé. Il a également indiqué avoir contacté l’ambassadeur de Russie pour demander des explications.
Une stratégie russe en mutation
La Russie, confrontée à une situation plus hostile et incertaine en Syrie, souhaite vouloir consolider sa présence en Libye pour préserver son influence en Afrique du Nord et dans la Méditerranée. Cependant, cette stratégie inquiète non seulement les autorités de Tripoli, mais également les puissances occidentales.
Les déclarations de Dabaiba compliquent considérablement la stratégie de Moscou
Selon Jalel Harchaoui, expert au Royal United Services Institute (RUSI), cette opposition publique d’Abdul Hamid Dabaiba représente un « moment charnière ». « La Russie, qui se positionnait comme un acteur neutre capable de dialoguer avec les deux camps en Libye, perd cette image. Les propos de Dabaiba compliquent considérablement sa stratégie », analyse-t-il.
Pressions économiques américaines
Les tensions politiques s’accompagnent d’une pression économique accrue exercée par les États-Unis. La Réserve fédérale de New York a récemment suspendu les transactions en dollars avec la Banque centrale libyenne, exigeant un audit indépendant pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Cette décision fait suite à des révélations sur des disparitions de fonds, notamment 9 milliards de dollars de revenus pétroliers non comptabilisés en 2023.
Les experts estiment que cet audit pourrait mettre au jour des preuves de contrebande de pétrole et des liens financiers entre les factions de l’est libyen et Moscou. Une telle découverte pourrait ouvrir la voie à des sanctions ciblées contre les responsables impliqués.
Une bataille pour la souveraineté
Alors que la Russie intensifie ses activités militaires en Libye, le maréchal Haftar continue de réclamer des systèmes de défense aérienne pour prévenir d’éventuelles attaques similaires à celles de 2020, lorsque ses forces avaient été lourdement affaiblies par des drones turcs.
Pour Tripoli, la présence militaire accrue de Moscou menace la souveraineté nationale et exacerbe les divisions internes. En s’opposant à ces mouvements, Dabaiba tente de renforcer sa position sur la scène internationale, tout en répondant aux attentes d’une population fatiguée des ingérences étrangères.
Un avenir incertain
Pour Abdul Hamid Dabaiba, l'enjeu principal, qui tient de la gageure... il consiste à préserver l'intégrité et la souveraineté de son pays dans un contexte international marqué par des rivalités géopolitiques de plus en plus marquées.
L'un des défis majeurs réside dans la menace croissante que la Libye devienne un champ de bataille pour des puissances étrangères en quête d'influence ou de ressources. Ces puissances, qu'elles soient régionales ou mondiales, interviennent directement ou indirectement, chaque acteur cherchant à imposer ses propres objectifs stratégiques